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22 mai 2008 4 22 /05 /mai /2008 07:32

Mélanges d’histoire et d’archéologie bretonnes

Histoire et Archéologie Bretonnes, Rennes, Paris, 1855.

 

Notice sur Jean de Plœuc ou de Plouec, évêque de Tréguer – Il gouverna l’église de Tréguer pendant onze ans, de 1442 à 1453, - et c’est à peu près là tout ce que nous apprennent sur son compte D. Morice et le P. Albert. Cet évêque méritait mieux ; car il a été véritablement par ses fondations, ses travaux, sa charité, l’un des plus grands bienfaiteurs de l’Église et de la ville de Tréguer au XVe siècle : comme on l’apprend d’une notice latine, écrite, semble-t-il, peu de temps après sa mort et insérée dans un ancien catalogue des évêques de Tréguer. Ce catalogue, dont j’ai retrouvé dernièrement une copie à la Bibliothèque Impériale, est dit avoir été pris d’un livre ancien estant aux archives de l’eglise de Treguer, parlant des benefices et dignitez de ceste eglise. Tout ce que je vais dire de Jean de Plœuc est résumé ou traduit de ce catalogue.

Cet évêque naquit au Tymeur, paroisse de Poullaonen, diocèse de Quimper. Il était docteur ès-lois quand il faut élu d’une voix unanime par le Chapitre de Tréguer pour remplir le siège épiscopal de cette église, le 4 mai 1442 et la même année le pape Eugène IV confirma cette éléction par ses bulles datées de Florence.

Jean de Plœuc s’occupa en premier lieu de rehausser l’éclat et la dignité du culte dans son église cathédrale. Comme elle n’avait point encore de psalette, il en fonda une, composée d’un maître et de six enfants de chœur : pour assurer l’avenir de cet utile établissement, il y attacha à perpétuité plusieurs dîmes en Penguénan et la plus grande partie de celles de Pédernec ; mais la psalette n’ayant pas pu joinr effectivement de ces dîmes que dix ans après son institution, c’est Jean de Plœuc lui-même qui pendant tout ce temps pourvut à son entretien de ses propres deniers.

C’est lui qui procura l’établissement des douze vicariats et du sacriste de la cathédrale de Tréguer, et qui y fit annexer à perpétuité l’église paroissiale de Tredarzec [Le texte latin présente ici quelque obscurité, mais nous publierons le document original en entier à l’appendice de notre volume de Mélanges : Manuscrit n° 1056 du fonds Saint-Germain français, à la bibliothèque impériale – B (Fol. 183 1442-1453) Johannes de Plouec].

En reconnaissance de ces fondations importantes, chaque jour après Complies, les enfants de la psalette faisaient, au tombeau de Jean de Plœuc, la recommandation des âmes des fidèles défunts, avec un De profundis et les collectes des morts. Ce tombeau était situé à l’entrée du chœur, et devant le jubé de la cathédrale de Tréguer. Chaque jour aussi, avant chacun de leurs repas, au Benedicite et aux grâces, les enfants de la psalette faisaient mémoire de leur premier fondateur en priant pour son âme.

Jean de Plœuc ne s’occupa pas seulement des cérémonies du culte, mais aussi de l’édifice qui en était le théâtre. Les travaux que lui attribue notre catalogue sont véritablement considérables. C’est lui, en effet, qui fit commencer et achever ce cloître si élégant que les artistes et les archéologues admirent encore aujourd’hui au Nord de la cathédrale de Tréguer ; il construisit une sacristie ou revêtuaire (revestiarium), et au-dessus une bibliothèque pour le chapitre. L’intérieur de la cathédrale était alors fort mal décoré et même par endroits assez délabré ; elle n’avait point de pavé ; le maître-autel était pauvre, les murailles nues, et quelques fenêtres sans vitraux de couleur, etc. Jean de Plœuc pava l’église ; il fit peindre les voûtes et les parties supérieures des murs, où l’on vit, grâce à lui, resplendir les effigies des anges, des patriarches et des prophètes. Il fit placer à ses propres frais une grande verrière dans la fenêtre du transept méridional, fit refaire le grand-autel avec son retable et toute sa décoration ; fit réparer les grandes orgues de la cathédrale et y en établit de petites qui n’existaient point auparavant. Il fit transcrire à ses frais, à Avignon, et apporter de là à Tréguer un grand Commentaire sur le droit-canon, dont il dota la bibliothèque du Chapitre. Il donna à la fabrique de la cathédrale un drap de soie d’un grand prix, de couleur pourpre, tissu de fil d’or et brodé de figures, qu’il avait aussi tiré d’Avignon pour faire sa chapelle épiscopale ; il y ajouta des tapisseries pour tendre le chœur aux grandes fêtes.

On pense bien que notre évêque n’oublia point saint Yves, si cher aux Bretons et surtout au diocèse de Tréguer ; Jean de Plœuc, en effet, fit faire à ses frais la grande verrière de l’église Saint-Yves de Kermartin, où se dessert aujourd’hui, si je ne me trompe, la paroisse du Minihy-Tréguer.

Il mena aussi à bien une affaire qui n’était point de petite conséquence pour l’honneur de son église et de sa ville épiscopale. Jean V, duc de Bretagne, avait exprimé par son testament la volonté d’avoir sa tombe dans la cathédrale même de Tréguer, non loin de celle du glorieux saint Yves ; mais à l’époque de sa mort, survenue en 1442, la chapelle où devait reposer son corps n’étant point encore prète à le recevoir, les restes mortels du prince furent déposés provisoirement dans la cathédrale de Nantes. Une fois en possession de ce dépôt, les Nantais se sentirent pris d’un vif désir de le garder, et trouvèrent mille prétexes pour ne le point rendre. Jean de Plœuc comprit que le meilleur moyen de vaincre leur résistance était d’achever entièrement le tombeau et la chapelle du duc, afin d’ôter tout motif plausible à cette mauvaise volonté. C’est ce qu’il fit, et le résultat répondit à son attente : en 1452 selon le manuscrit que nous suivons, en 1451 selon Albert-Le-Grand, le corps de Jean V fut enfin solennellement inhumé dans l’église cathédrale de Tréguer.

Jean de Plœuc ne s’occupait pas que de son église , et c’est à lui que Tréguer dut, on peut le dire, sa place centrale, la place de la Ville (platea villa), comme l’appelle notre manuscrit : elle existait déjà cependant ; mais notre prélat la fit élargir et aplanir à ses frais, opération qui nécessita l’enlèvement d’une masse énorme de terres : cette place n’avait non plus jamais eu de pavé ; il en donna un à toute la partie comprise entre la cathédrale, la Cohue et la porte de l’évêché.

Le manoir épiscopal lui dut aussi les accroissements considérables : Il fit construire, dit notre manuscrit, la grande tourelle (magna cochleam) de ce manoir avec les habitations et les divers bâtiments qui y touchent, et aussi les grandes étables, la grande grange et le grand puits de l’évêché.

Sa charité pour son peuple se manifesta de plus d’une manière. Une fois, dans une année de disette et de cherté des grains, au temps des semailles, il fit distribuer aux pauvres et aux laboureurs tous les blés qu’il avait dans ses greniers, et se trouva ainsi réduit à en emprunter lui-même du Chapitre pour son entretien et celui de sa maison.

Je ne dis rien de ses aumônes continuelles ni des messes qu’il faisait dire incessamment pour les pauvres gens qui n’auraient pu les payer. Mais je ne puis omettre le trait suivant qui se rapporte à un usage particulier de cette époque. La pénitence publique était alors et depuis longtemps tombée en désuétude ; mais certaines cérémonies en dérivant continuaient à subsister. Ainsi, l’on avait encore coutume de prononcer le mercredi des Cendres l’exclusion hors l’église des personnes coupables de certains péchés graves et publics, et ces personnes n’étaient ensuite admises à la communion pascale qu’avec des lettres d’absolution scellées du sceau de l’évêque ; pour ces lettres comme pour tous les actes ainsi scellés, le secrétaire de l’évêché avait un droit de sceau, assez peu considérable, mais onéreux néanmoins pour le petit peuple. Que faisait alors notre bon prélat ? Il déposait, pendant la semaine sainte, son sceau épiscopal chez le portier de l’évêché, qui scellait gratis toutes les lettres d’absolution.

Son austérité égalait sa charité et croissait en quelque sorte avec l’âge. Dans les dernières années de sa vie, il jeûnait presque continuellement et s’abstenait entièrement de manger de la chair ; ce ne fut que dans sa dernière maladie, sur les conseils répétés de ses confesseurs et de ses médecins, qu’il consentit à rompre cette abstinence pendant un peu de temps.

Il fut pris de cette maladie : les médecins lui ayant ordonné de changer d’air, on le transporta au manoir de Coadélan (in manerio de Coatezlan), d’où Dieu, qu’il avait servi avec tant de zèle, le rappela à lui le 6 juin. Il y avait à son lit de mort un grand concours de peuple de toute condition, et un plus grand encore, le lendemain à ses funérailles, quand on rapporta son corps dans son église cathédrale, où il fut enterré, comme je l’ai déjà dit, à l’entrée du chœur, devant le jubé.

L’auteur anonyme que nous suivons résume en ce squelques lignes l’épiscopat de Jean de Plœuc : Il défendit eet exerça louablement l’autorité ecclésiastique de sa charge qu’il transmit pleine et entière à ses successeurs, sans avoir craint cependant de s’en servir lui-même contre les grands et les puissants, quand ils le méritaient pas leurs fautes. Il mit un zèle tout spécial à protéger, entre toutes sezs ouailles, les clercs et les pauvres, et aima toujours au plus haut point sa cité épiscopale.

J’ai cru qu’une telle vie, si pleine de vertus, de bonnes œuvres et de beaux travaux, méritait mieux que la sèche mention à quoi se sont bornés jusqu’à présent nos histoires, j’espère que le lecteur ne me démentira point. A. L. B.

B. (fol. 183) 1442-1453. Joannes de Plouec, legum doctor, Corisopitensis diocesis, du Tymeur, parochiæ de Plouelauyen, qui fuit electus unanimi consensu per capitulum Trecorense, 4a die mensis Maii anno Domini 1442, quibus die et anno fuit etiam per dominum nostrum Eugenium papam IV, elctus, confirmatus seu pronuntiatus in episcopum Trecorensem Florentiæ. Et die Mercurii 6a mensis Junii, obiit in manerio de Coatezlan, ubi pro mutione aeris, propter infrmitates quibus detinebatur, declinaverat. Cujus corpus die Jovis sequenti fuit delatum ad ecclesiam Trecorensem, et fuit sepultum in introitu chori, a parte superiori ejusdem ecclesiæ, ante pulpitum, anno Domini 1453.

Hic episcopus fundavit psalletam sex puerorum cum magistro suo et cet. (?) hujus ecclesiæ, qua penitus caruerat per antea, procuravit sibi decimas seu magnam partem decimarum de Pedernec cum certis decimis de Penguenan, priusquam hujusmadi unio sortiretur effectum, tenuit et sustentavit circiter per decem annos expensis propriis, ita plenarie sicut a viginti annis et penitus fundata et continuata existit. Fecitque pariter imptrari, ad securiorem et laudabiliorem cultus divini continuationem cum sacrista et ecclesiam parrochialem de Tredarzec sibi unitam et in perpetuum annexam, reservata sibi eorum cantoris et capituli ejusdem ecclesie, cum omnimoda dispositione, provisione et regimine prefatorum magistri el sex puerorum psallette in posterum plenarie pertinere, ut constat in provisionibus apostolicis, super hoc salutarem fit continuo ad ipssius pretactum (sic) sepulchrum, post completorium, per pueros ipsius psallette quotidiana recommendatio fideluim deffunctorum cum De profundis et collectis mortuorum. Unde etiam consueverunt ipsi pueri, ad benedictionem ipsorum mense et cibi assumpti regratiationem, ipsius quondam episcopi, primi sui fundatoris, in Domino salubriter memorari.

Ille laudabiliter deffendit et conduxit jurisdictionem ecclesiasticam, sanamque integram et plenam successoribus commisit ; eam etiam contra majores et potentiores delinquentes direxit ipsam ; clerum et miserabiles personas, inter ceteras oves suas, deffendes ; summopereque dilexit et civitatem istam.

Item, inter alia gesta ipsius recommendabilia, ordinavit primo incipi et edificari fecit claustrum istius ecclesiæ, et fecit ad perfectum conduci, vita comite; ac revestiarium et librariam desuper pariter radicitus fieri fecit; fecitque scribi illam magnam lecturam Bellemere (sic) Avenione et defferri sumptuose, cujus major pars est in eadem libraria. Item fecit mundari et totaliter devote et ornate honestari totam presentem ecclesiam, per antea multum ab intus minus nonestam et deformem, fecitque fieri ejus pavimentum quo ex toto caruerat, magnum altare cum tabula et reliquo ipsius apparatu. Fecit etiam ecclesiam depingere desuper cum angelis, patriarchis et prophetis. Item fecit reparare magna organa et parva de novo fieri. Item magnum vitum australe ipsius ecclesiæ fieri fecit et de proprio solvit. Item similiter magnum vitrum Sancti Ivonis de Villa Martini. Item donavit fabricæ istius ecclesiæ pannum sericum purpureum magni pretii auro contextum et figuratum, quem Avenione detulit pro capella sua integra et tapeta paramenti chori et cet.

Fecit etiam multum aperte planare plateam Ville, unde fecit ad ipsius magnum decorem removere inestimabilem quantitatam terræ, et ejusdem pavimentum, quod nunquam habuerat, fieri, et signanter inter ecclesiam et polydomum et portam episcopalem. Item magnam cochleam cum habitationibus seu estagiis sibi inherentibus et magna stabula seu magnam grangiam et magnum puteum episcopale. Procuravit cum hoc continuare et perficere capellam domini Ducis parumper antea aliquantulum incœptam, ac ad eam cum magnis difficultatum questionibus fecit defferri et in eadem solemniter inhumari corpus quondam domini Joannis ducis Britanniæ, anno Domini 1452, qui decesserat anno Domini 1442 [apud Nannetas] et fuit ibidem ex tunce sepultum seu veracius depositum in ecclesia Sancti Petri corpus ejus, quia hic elegerat sepeliri : quod com magna fieri potuit difficultate.

 

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