CHAPITRE XI
Le Souterrain de la Hunaudaye
à Notre-Dame de Lamballe
et la légende de la fée Margot. — Notre Dame.
Il était autrefois … une fée qui se nommait Margot et qui, comme la pie servant de thème à sa légende, avait en somme assez mauvaise réputation. Pour cacher ses trésors plus ou moins bien acquis, elle avait eu recours au souterrain de l’église Notre-Dame dont elle achevait la tour. Ce souterrain communiquait, dit-on, avec la Hunaudaye, mais personne, si ce n’est Margot, n’a jamais osé s’y aventurer, et à quoi bon s’y risquerait-on, cette Margot qui bâtissait de tous les côtés ayant des besoins continuels d’argent et ne pouvant que provisoirement thésauriser.
En ramassant des matériaux sur un tertre, entre Lamballe et Moncontour, « elle vit à ses pieds, au clair de lune, vers minuit, un objet inconnu, avec des reflets blanc et noir, ce qui l’effraya. Ce fut avec de grandes précautions qu’elle le ramassa, et oubliant ses pierres, elle l’apporta jusqu’à Lamballe pour le montrer à ses sœurs ».
Aucune d’elles ne pouvant dire ce qu’était, on dut recourir aux lumières d’une fée-ingénieur, ajoute l’auteur de la légende, et l’on apprit que « c’était le cadavre d’une pie » .
La Margot est restée le nom vulgaire de l’oiseau voleur ; cet oiseau noir et blanc qui, par ses deux couleurs, symbolise le crime et l’innocence. Image de la pie qui sautille, Marguerite de Clisson boîtait à la suite d’un coup de pied que le connétable, son père, n’avait pu s’empêcher de lui donner dans un accès d’indignation, car si cette Margot racheta plus tard sa conduite par de pieuses fondations, elle avait toutes sortes de méfaits à expier, et la noirceur de ses crimes était telle qu’elle avait fort à faire, sur ses vieux jours, pour se blanchir par piété et le remords.
« N’est-il pas étonnant, dit le regretté M. Lamare au sujet de Notre-Dame de la Fontaine, le sanctuaire briochin attribué à Margot, que le nom de cette princesse qui rappelle tant d’actes audacieux et coupables, soit aussi attaché à plusieurs des plus gracieux monuments de l’art chrétien au XVe siècle ».
Cette Marguerite avait, en 1387, épouse Jean de Penthièvre, fils de Charles de Blois dont Notre-Dame était la chapelle comtale. Il était donc juste qu’en sa qualité de fée, la légende de Margot la fit ramasser le cadavre de l’oiseau aux deux nuances si tranchées sur le tertre où elle rassemblait les matériaux de la tour qu’elle bâtissait.
Et, fini la légende, « cette nuit-là, les fées apprirent qu’elles devaient mourir, ni plus ni moins que la pie ».
Notre-Dame, dont la tour était l’œuvre des fées, foi de Margot ! n’était à son origine (vers l’an 1000) qu’une simple chapelle.
Le chevet porte le cachet du XIIIe siècle ; le chœur a deux parties très distinctes : le côté des Promenades est de cette époque, la forme des piliers et des arcatures l’indique suffisamment ; l’autre côté, celui du côté de la rue du Val a le caractère du XIVe siècle. Foudroyé en 1447, le chœur fut réparé par le duc François Ier. Jusqu’à la fin du XVIIe siècle, la tour était surmonté d’un clocher couvert en plomb que l’on démolit en 1695. On l’exhaussa (1701) et l’on eut le tort de mutiler, pour donner maladroitement le style Renaissance à cette belle tour du XIVe siècle, les encadrements des baies fouillées d’une façon exquise. Il reste une fenêtre intacte, habilement restaurée par les soins de la Commission historique. On venait aussi d’exhausser (1640-1645) la tour Saint-Jean, mais celle-ci vit rebâtir son clocher, le clocher actuel succédant à une pyramide. Le jubé, chef-d’œuvre de menuiserie et de sculpture (classé à part comme monument historique) a été déplacé et malheureusement utilisé comme buffet d’orgue. L’époque à laquelle il remonte ne saurait être exactement précisée, mais il dû précéder de peu d’années la Renaissance ; les statuettes qui l’ornent sont de petits chefs-d’œuvre. Malheureusement il en manque.
A partir de 1849, on a travaillé à Notre-Dame, consacrée par Mgr David, évêque de Saint-Brieuc, en 1872. Elle l’avait été déjà, au XIIIe siècle, par Guillaume Herno, suivant les uns (Quernest), par Guillaume Pinchon, suivant les autres (de Courcy).
Ont été remis à neuf : la nef et le collatéral sud. Les piliers de la nef ne sont pas tous absolument verticaux ; cela provient de ce qu’on a craint de les déplacer de peur de les altérer. Quant au hors-d’œuvre, la porte ogivale retrouve d’aigle du régime impérial (Napoleone tertio regnante) fantaisie agrémentée d’un clocheton du côté de la vallée, il est archéologiquement décrit par certains Guides dont nous ne suivrons pas les ornières.
Les fortifications (côté nord) ont été restaurées par les soins de la Commission historique. Pour les besoins de ces fortifications, les murs du chevet sont creux à la hauteur du triforium du chœur, et la traversée devant les fenêtres était assurée au moyen de passerelles en pierre. L’une de ces passerelles, appelée « Pont d’Amourette » et donnant sur le précipice de la rue du Val n’a pas été restaurée ; une simple planche sert de passage, tandis que les deux autres, l’une à l’extérieur, l’autre (plus large) à l’intérieur, au-dessus du maître-autel ont été rétablies récemment telles qu’elles étaient autrefois.
Restauré avec soins, le portail en plein cintre, avec chapiteaux ornés de feuilles et de fleurs, accuse l’époque de transition, du XIIe au XIIIe siècle. Au-dessus, sur le mur extérieur faisant face aux Promenades, se lit une inscription rappelant le nom du zélé curé, M. Le Rouillé, promoteur des dernières grandes réparations ; son corps repose du même côté que le chevalier de Lescoët-Bertho et la dame de Hay-Durand, sa compagne, dont les pierres tombales portent les effigies et sont à leurs armes. Le nom du maire, M. Urvoy de Closmadeuc, évoque un autre souvenir cher à Lamballe. Enfin « Eveillard opera fecit » ne permet pas non plus d’oublier le chef de la main-d’œuvre sous la direction de M. l’architecte Guépin. Les dernières restaurations du chevet sont l’œuvre de M. Ballu, architecte en chef des Monuments historiques, et M. Eveillard fils a exécuté, sous sa haute direction, ces savants et intéressants travaux.
Sur les Promenades « du Château » qui s’appellent ainsi, du nom du château dont elles occupent l’emplacement, il y a danses publiques à l’occasion des Courses de Lamballe, pour ainsi dire prédites en la « closerie des Genêts » qui précéda de plusieurs années, au Théâtre, leur première apparition sur les landes de la Poterie. Ces courses durent trois jours. On ne sait quelle fée s’en mêle, mais à en juger par les gaies merveilles de sa baguette, elle est d’une autre humeur que la Margot.
Une pieuse légende rattache la fondation de Notre-Dame à la Vierge miraculeuse dont la statue, trouvée sur le rocher qui sert de base à l’ancienne collégiale, au milieu d’un buisson d’aubépines toujours en fleur, fut portée à l’église paroissiale. Comme elle revenait aussitôt à son buisson, elle manifestait ainsi assez clairement sa volonté de n’en être plus déplacée. On lui éleva donc une chapelle en ce lieu, mais les fées ne se mêlèrent que plus tard de Notre-Dame.
Société d’Emul. des Côtes-du-Nord, Légendes locales de la Haute-Bretagne, par Paul Sebillot. — Saint-Brieuc, F. Guyon, 1886.
Société d’Emul. des Côtes-du-Nord, Légendes locales de la Haute-Bretagne, par Paul Sebillot. — Saint-Brieuc, F. Guyon, 1886.
Lamare. — Histoire de Saint-Brieuc. — Société d’Emul. des Côtes-du-Nord. Saint-Brieuc, F. Guyon, 1884.
Saint-Brieuc, chef-lieu du département des Côtes-du-Nord (19,948 habitants). — Comme curiosités briochines, en outre de la Fontaine Notre-Dame, signalons la Cathédrale (Monument historique), l’hôtel de Rohan, d’anciennes maisons (XVIe siècle) avec sculptures en bois, rue Saint-Jacques, le vieux quartier Fardel, et aux environs, en Langueux, la Colonie de Saint-Ilan, fondée en 1843. — Saint-Brieuc est à 27 kilomètres du Val-André.
C’est à l’obligeance de M. Marie Eveillard, le distingué entrepreneur de travaux publics lamballais, que nous devons ces détails inédits.
Les arcades en ogives du chœur, aux colonnettes multiples, sont toutes dissemblables ainsi que les galeries du triforium, simples à droite, doubles à gauche. — Plusieurs des statues de Notre-Dame proviennent de Saint-Aubin : de ce nombre est celle de la Foi, une foi tout à fait robuste, au bas de l’église (vers la ville). La pyxide qu’elle tenait et qu’elle ne tient plus lui donne une attitude inexplicable.
La nouvelle sacristie accolée à l’église, au nord, du côté du souterrain, remplace très heureusement une affreuse verrue. Cette sacristie a été bâtie sur les plans de M. Ballu.
Lamballe n’a pas que ses courses. Il y a aussi son pardon. Le 11 juillet de chaque année se célèbre, à St-Jean, la fête de saint Amateur. Saint Amateur ? … c’est du moins ce nom sous lequel on invoque le saint dont le martyr ne fait aucun doute. Ses reliques furent obtenues de Clément XIII, en 1761, par le R. P. Aimé (Bascher de la Villéon), né à Bréhand entre Lamballe et Moncontour, général des Capucins, et le premier religieux français de l’Ordre, promu à cette dignité.
La Poterie, qui tire son mon des potiers dont se compose presque exclusivement sa population, est une commune de 720 habitants (à 3 kilom. de Lamballe). Entre Lamballe et la Poterie : le château de la Moglais. On a dansé dans son avenue, après les courses, mais on a fini par revenir danser sur les Promenades. Ce fut dans ce château que fut écarté Lasne, le futur gardien de Louis XVII, au Temple, mais il faut dire que si le marquis de la Moussaye, le châtelain, alors lieutenant aux Gardes françaises, avait appelé vers lui son sergent, il avait compté sans la marquise, trop au fait des galanteries proverbiales de ces militaires laisser pénétrer le loup dans sa bergerie. N’ayant rien de mieux à faire, le sous-officier utilisa son séjour à Lamballe où son lieutenant le logea, en cultivant la peinture et en apprenant aux vulgaires barbouilleurs de la localité que l’huile d’olive est l’huile des salades et des sauces, non du pinceau. (V. M. de Beauchesne, — Louis XVII, tome II, p. 292. – Plon, Paris 1868). — La pension de Lasne, à Lamballe, lui revenait, logement compris, à 12 sous par jour. (Un Trou pas cher).