Histoire de Bretagne, avec les chroniques des maisons de Vitré, et de Laval par Pierre Le Baud, chantre et chanoine de l'eglise collegiale de Nostre-Dame de Laval, tresorier de la Magdelene de Vitré, conseiller & aumosnier d'Anne de Bretagne reine de France. Ensemble quelques autres traictez servans à la mesme histoire. Et un recueil armorial contenant par ordre alphabetique les armes & blazons de plusieurs anciennes maisons de Bretagne. Comme aussi le nombre des duchez, principautez, marquisats, & comtez de cette province. Le tout nouvellement mis en lumiere, tiré de la bibliotheque de monseigneur le marquis de Molac, & à luy dedié: par le sieur d'Hozier, gentil-homme ordinaire de la Maison du roy, & chevalier de l'ordre de sainct Michel – Pierre Le BAUD, Paris, M. DC. XXXVIII

Anchises en Scicille sa vie termina
Mes Æneas ses voilles vers Lybie tourna ;
Où il trouva Dido la Royne, noble & sage ;
Qui illec notamment avoit fundé Cartage.
Æneas qui pour plaire au voloir de ses Dieux,
Se party de Cartaige esperant trouver mieulx ;
Apres avoir des vens souffert le forcennaige ;
Vint du du pays d’Italie aborder au rivage.
Latin qui en Laurence la cité residoit ;
Et qui d’Italie le Regne possidoit,
A Æneas donna sa fille en mariage,
Et apres son deceix son regne à heritage.
Contre Æneas Turnus tous ses effors assemble,
Et apres mains estours furent d’accort ensemble ;
De seul à seul combattre à ung terme precis ;
Mais en fin fut Turnus par Æneas occis.
Au tiers an ensuivant Æneas trespassa,
Et sa femme Lavime grosse d’un fils laissa,
Qui oi nom Postumus, & de luy descendirent
Remus & Romulus, qui Rome construisirent.
Sur le fleuve du Tybre fist Ascamus fermer
Une noble cité, qu’il fist Albe nommer ;
Il engendra deux fils, dont l’ung fut Silvius
Par son nom appelé, & l’autre Julius.
Silvius en sa femme qui fut de grant valeur,
Engendra ung beau fils : mais pour la grant doleur
Que la Damme souffry à son enfentement,
Mourir il luy convint tres-doloreusement.
Iceluy jouvenceau qui fut Brutus nommé,
En force & proesse vaillamment renommé ;
Ung jour à la forest alla aux cerfs chacer,
Où il occist son pere evidant ung cerf blecer.
Pourquoy il luy convint Italie uvider,
Et pour seurté aller en Grece resider :
Et là trouva grant nombre du Troyennais lignaige,
Que le Roy Pandrasus detenoit en servaige.
D’iceulx gens exillez soy accointa Brutus,
Avec d’un jouvenceau nommé Assaracus,
Et contre Pandrasus si dure guerre emprint,
Qu’il occist les Gregeois, & leur Roy mesme print.
Pandrasus pour soy mesme de la mort delivrer,
Trois cens vingt-cinq nefs fist à Brutus livrer,
Et Ynoge sa fille à femme luy donna,
Et ses riches thresors tous luy habandonna.
A tant Brutus se nefs fist departir de Grece,
Et vint descendre en l’Isle appellee Loëgece,
Où il trouva Diane la Nymphe de renom,
Qui luy dist que habiter allast en Albion.
Vers Albion Brutus sa voye a adrecé :
Mais en nageant pyrates l’ont moult fort opprecé,
Les perilleux destrois de Marros, de Salines,
Il tout ce esvada pour cautes disciplines,
Dedans la mer d’Espaigne vinrent les nefs Brutus,
Et illecques trouverent le Duc Corineus,
Et quatre nascions des exillez de Troye,
Qui avecques Brutus se midrent à la voye.
Ces deux Ducs & leurs gens ensemble tant nagerent,
Qu’à la bouche de laire leurs vaisseaux arriverent,
Et des contrees prochaines firent les prois cuillir,
Pour quoy les Roys de Gaule les vindrent assaillir.
Les Gaulois aux Troyeans maints durs estours livrerent ;
Mais desconfis ils furent, & fuite tournerent,
Et apres de leurs gent tres-grant occision,
Brutus tourna ses voilles vers l’isle Albion.
Pource qu’au lieu où furent les Gaulois desconfis,
Fut le vaillant Turnus cousin de Brutus occis,
Qui sur le bord de laire fut mis en sepulture ;
Luy fut de nom Tours, qui encores dure.
Quand les nefs de Brutus au port d’Albion furent,
Les forts jeans de l’islecelle part accoururent ;
Et avec les jeans bataille commencerent :
Mais en fin les Troyeans ceux jeans opprimerent.
Adoncques les Troyeanspar l’isle s’espandirent,
Et leurs deux Roys entr’eux la contree partirent :
Brutus sa porcion fist Bretagne nommer,
Et Corinee la sienne Cornoüaille clamer.
Quant Brut ot en Bretagne vingt-quatre ans regné,
Et ses pays & subgitz sagment gouverné,
Et fondé Troye neusve sur sur layuë de Thamise,
Le fist la mort finer ainsi que c’est sa guise.
