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14 juin 2010 1 14 /06 /juin /2010 06:31

La nature des services particuliers rendus par M. Baron Dutaya au canton qu'il habite, rentrant plutôt dans les attributions de notre section que dans celles d'aucune autre, il s'ensuit que c'est nous qui sommes chargés de venir vous en rendre compte.

Le point sur lequel nous appellerons d'abord votre attention est l'introduction de la culture du Lin dans la région centrale du département des Côtes-du-Nord. Avant cette introduction, en effet, l'intérieur de ce département était tributaire de la région du littoral pour l'achat des Lins ; les transports, qui s'effectuaient à dos de cheval, les dépenses énormes que les marchands de Lin étaient obligés de faire en doublaient le prix, et les malheureuses fileuses étaient forcées de réduire leur main-d'œuvre à un prix fabuleusement bas pour trouver des débouchés à leurs fils.

Dès 1823, M. Dutaya, voulant obvier à cet abus, fit essayer la culture du Lin dans quelques communes de l'intérieur; les épreuves constatées en 1824 démontrèrent que le sol n'était pas rebelle à cette culture, et qu'elle était susceptible d'y prospérer. En effet, en 1843, lorsqu'il reprit cette question, dont il avait été détourné pendant longtemps, il trouva les mêmes communes toujours en possession de cette culture. Le moment devenait critique ; le département du Finistère, qui organisait une filature considérable, menaçait d'enlever au pays une grande partie des Lins du littoral. M. Dutaya jugea le moment favorable pour donner une forte impulsion à cette culture dans l'intérieur. Il écrivit au ministre et au préfet des Côtes-du Nord ; il obtint quelques secours, tenta de nouveaux essais qui réussirent complètement, et prouvèrent que les Lins de l'intérieur du département produisaient autant que ceux du littoral et qu'ils étaient plus doux.

Enfin, en 1847, il fonda le comité linier d'Uzel, dont le premier soin fut de s'occuper de la culture du Lin. Bientôt des graines furent distribuées et des encouragements donnés à onze cantons qui ont adopté cette culture, et où elle est maintenant implantée d'une façon permanente, mais insuffisante encore pour les besoins du pays.

Le zèle et le dévouement à ses compatriotes, qui caractérisent M. Baron Dutaya, ne se bornèrent pas à installer la culture du Lin ; toute l'industrie linière attira son attention. Quand, en 1843, elle fut complètement ébranlée à la suite de plusieurs crises commerciales, la misère était à son comble, et une population de 30,000 fileuses et de 10,000 tisserands le trouvait sans ouvrage. M. Dutaya se dévoua avec ardeur à la tâche de réorganiser cette industrie ; il sentait bien qu'il y avait des remèdes à cet état de souffrance, que ce commerce, qui possédait tous les éléments de vie dans son sein, pouvait se relever; mais il fallait, pour cela, de grands sacrifices, et la tâche semblait accablante pour un homme isolé et ne possédant qu'une modique fortune. Bien persuadé que le moyen de réussir était de reprendre cette industrie dans tous ses détails et de les suivre pied à pied, il fit plusieurs voyages, un entre autres, en Belgique, d'où il rapporta des instruments meilleurs, quoique peu différents de ceux qui étaient employés par les ouvriers bretons, qui les adoptèrent immédiatement. Il fit confectionner d'excellents tissus en fil de main, qu'il put donner au commerce, à peu de chose près, aux prix des tissus mécaniques, dont la durée est toujours moindre.

Il avait reconnu qu'une des grandes causes de l'irrégularité des tissus provenait de ce que les fileuses, ayant peu de ressources, ne pouvaient acheter qu'une fort petite quantité de Lin, souvent mal trié, et qu'elles se trouvaient forcées de vendre leur fil toutes les semaines, ce qui occasionnait au fabricant des difficultés énormes pour assortir ces fils, et qu'il se voyait ainsi obligé de faire entrer dans la même toile des fils de différentes mains. Pour faire cesser cet inconvénient, le comité a installé des ateliers où le Lin est acheté en gros et, par conséquent, à prix réduit, et, après essais, il est donné, à prix coûtant, aux fileuses qui apportent leur fil à ces ateliers. Des avances leur sont faites, afin de les mettre à même de ne vendre que lorsqu'elles ont filé la quantité nécessaire pour confectionner une pièce de toile. Toutes les mesures sont prises pour empêcher la fraude, de quelque nature qu'elle soit. Les instruments sont fournis par l'atelier et confectionnés d'après ses modèles.

Le bienfait de cette institution ne s'est pas fait attendre : le commerce des toiles s'est relevé avec vigueur et a pris un giand développement; de tous côtés on est en instance pour ifonner de l'extension à l'institution des ateliers, qui aujourd'hui occupent un grand nombre de fileuses.

Après avoir, pendant cinq ans, fait confectionner d’excellents tissus, qui lui valurent, aux expositions départementales de 1843, 1846 et 1849, trois médailles d'argent, M. Dutaya laissa à des négociants éclairés le soin de continuer cette œuvre.

Les services éminents que M. Dutaya a rendus à cette partie de la Bretagne par son infatigable dévouement et ses innovations pour l'industrie linière suffiraient bien certainement pour lui faire obtenir la distinction que nous vous demandons pour lui ; nous y ajouterons cependant un de ses titres les plus importants.

L'institution des comices agricoles cantonaux en Bretagne est due à M. Dutaya : c'est dans les années 1820 et 1821 qu'il fonda le comice de Plœuc, le premier qui ait existé en Bretagne et un des premiers de France. Une circulaire du ministre de l'intérieur, M. Siméon, donna l'idée des comices cantonaux, et, le 10 novembre de la même année, une lettre de M. le maire de Plœuc constate qu'il vient de faire publier ce projet d'association. Le 8 janvier 1821, une souscription est ouverte à Plœuc, et la date de la première réunion est le 13 août de la même année ; c'est à cette réunion que furent adoptés les statuts. M. Dutaya présida ce comice depuis sa fondation jusqu'en 1837, époque à laquelle, obligé de s'éloigner momentanément du canton, la présidence fut donnée à l'un de ses membres, qui ne l'accepta qu'à la condition que M. Dutaya en conserverait la présidence honoraire.

Les statuts du comice de Plœuc servirent de base à une grande quantité d'associations de ce genre. C'est ainsi qu'un de ses membres, qui fut plus tard nommé préfet de plusieurs départements du centre et du midi de la France, les propagea dans ces contrées, où ils s'organisèrent en grand nombre.

Les travaux agricoles proprement dits de M. Dutaya lui ont déjà valu, dès 1824, une médaille d'or de notre Société et, plus tard, le litre de membre correspondant; il a, depuis, continué d'une manière remarquable dans cette voie, marchant toujours à la tête des perfectionnements dans un canton qu'il a, en quelque sorte, régénéré; mais aujourd'hui c'est plus spécialement pour les succès obtenus dans l'introduction de la culture du Lin, et pour la lutte courageuse qu'il a soutenue dans la vue de mettre l'industrie des toiles en état de soutenir la concurrence des tissus mécaniques, que nous venons vous proposer d'accorder à M. Dutaya votre médaille d'or à l'effigie d'Olivier de Serres.

Ces conclusions sont adoptées.

Mémoires d'agriculture, d'économie rurale et domestique – par l’Académie de l’Agriculture de France, Paris 1852.

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